Le service national va faire son grand come-back en France après plus de 18 ans d’absence. Profondément modifié, dans la forme et dans le fond, le désormais SNU (Service national universel) abordera en juin prochain sa première phase de test dans plus de treize départements. Elle concernera en premier lieu des volontaires de 16 ans. Plan fixe sur une réapparition controversée et sur ses promesses. Garde à vous !
C’était le 22 février 1996. Le président de la République Jacques Chirac lance le chantier de la professionnalisation des armées et annonce la fin de la conscription. Au cours d’un long entretien télévisé, le chef de l’État expliquait que « Le service militaire a été créé à une époque où il fallait des poitrines à opposer à d’autres poitrines– si j’ose dire – face à un danger extérieur. Cette époque est complétement révolue. Nous n’avons plus besoin d’appelés, de gens faisant leur service militaire. » Des années plus tard la donne aurait donc changé.
Sous la volonté du président Emmanuel Macron et de son gouvernement, la phase de test débutera donc en juin 2019. Pour commencer, ce sont 2000 à 3000 jeunes, filles et garçons, qui participeront à cette première promotion. Ces derniers, tous volontaires, seront recrutés par le biais du rectorat, des centres de formation d’apprentis ou encore des missions locales.
LES GRANDES LIGNES DU SNU
Durant les quinze premiers jours, les appelé(e)s participeront à un séjour de cohésion, puis par la suite, à une mission d’intérêt général, elle-aussi d’une durée de deux semaines, entre juillet 2019 et juin 2020. Pour les services de l’État, le dessein est clair, comme le détaille Gabriel Attal, secrétaire d’Etat en charge de la mise en œuvre du SNU. « Le Service National universel répond à un constat sans appel : la jeunesse manque d’un moment de cohésion, de mixité, de cohésion sociale et territoriale, autour des valeurs de la République. Ce moment doit aussi permettre de lever les freins à l’engagement. S’engager, c’est donner de son temps pour l’intérêt général. C’est aussi grandir, développer des compétences qui seront utiles pour s’insérer professionnellement ».
L’objectif de ce grand retour comporte quatre points essentiels selon le gouvernement. Premièrement celui d’accroître la cohésion et la résilience en développant une culture de l’engagement, un point en net baisse depuis plusieurs années. En cinq ans, le nombre de candidats à l’engagement à baissé de plus d’un tiers. Un chiffre préoccupant qui expose parfaitement une désaffection des jeunes Français pour la carrière militaire.
@GabrielAttal lance l’expérimentation du Service National Universel #SNU : plusieurs questions, quelques réponses ➡️ à lire sur mon blog : https://t.co/VAvJvYfa2y pic.twitter.com/A741LNZXnx
— Helene Conway-Mouret (@HMouretConway) 18 janvier 2019
Autres points visés par les services de l’État, celui de garantir un brassage social et territorial de l’ensemble d’une classe d’âge, de renforcer l’orientation en amont et l’accompagnement des jeunes dans la construction de leurs parcours personnel et professionnel et valoriser les territoires, leur dynamique et leur patrimoine culturel.
Côté infrastructure, pendant ce séjour de cohésion, les jeunes seront hébergés dans des internats, des centres de vacances ou encore dans des bâtiments de l’armée. Les appelé(e)s seront répartis en « maisonnées » composées d’une dizaine de jeunes « afin de renforcer la cohésion et la responsabilité collectives ».
PROGRAMME ET CRITIQUES
Ces deux semaines seront rythmées par des activités qui s’articuleront autour de sept thématiques :
- Citoyenneté et institutions nationales et européennes
- Activités sportives et de cohésion
- Développement durable et transition écologique
- Culture et patrimoine
- Découverte de l’engagement
- Autonomie, connaissance des services publics et accès aux droits
- Défense, sécurité et résilience nationales
Expérimentation du Service National Universel dans l’#Eure !
➡️ La phase obligatoire du #SNU sera divisée en deux parties : deux semaines d’internat avec des activités citoyennes, et deux semaines d’engagement auprès d’une structure d’intérêt général près du domicile. pic.twitter.com/BISXANVwYo— Fabien Gouttefarde (@FGouttefarde) 17 janvier 2019
Des bilans personnels seront également réalisés comme des bilans de santé ou des évaluations des apprentissages fondamentaux de la langue française. Le gouvernement précise aussi que : « Une large place sera également accordée aux symboles de la République et de la nation », comme le salut du drapeau et le chant de La Marseillaise, l’hymne national.
Niveau contestations, elles proviennent d’abord du côté de la communauté musulmane, qui après une publication de l’Observatoire de la laïcité sur son site internet, le 2 janvier dernier, a précisé que « la loi du 15 mars 2004, prohibant le port de signes et tenues religieux ostentatoires par les élèves de l’enseignement public, ne pourra pas s’appliquer telle quelle à la première phase du SNU, ou les jeunes de 14 à 16 ans seront astreints, pour une quinzaine de jours dont au moins un week-end, à une période d’hébergement collectif ».
Malgré ce rappel, dans un entretien accordé à la chaine israélienne I24 News, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education Nationale, a voulu rassuré les partisans d’une laïcité stricte en confirmant « qu’il ne suivra pas les recommandations de l’Observatoire et que l’interdiction de toute pratique ou visibilité religieuse avec une application stricte du principe de neutralité sera de rigueur ». La réponse de Marwan Muhammad, ancien directeur du Collectif Contre l’Islamophobie en France (CCIF) n’a pas tardé « Le SNU vise à préparer les citoyens de demain. Quel genre de société on prépare si on leur apprend dès l’adolescence à s’auto censurer ? On va pousser des jeunes à cacher leur foi et leurs opinions, à l’âge justement ou on apprend à se connaitre et à respecter les autres tels qu’ils sont. Quelle dérive. »
Du côté des opposants politiques, Benoît Hamon, ancien candidat à la présidence de la République pour le Parti Socialiste et fondateur de Génération.s, invité de Radio Notre Dame , s’est montré très critique sur la mise en place du service national universel. « C’est beaucoup d’argent pour pas grand-chose. La formule choisie embarrasse tout le monde, l’armée et le monde associatif n’en veulent pas. Le SNU ne correspond pas à ce dont la Nation a besoin ni à ce qui permettrait aux nouvelles générations de s’approprier la République. »
Service National Universel: « On ferait mieux de mettre cet argent au sein de l’Education nationale », affirme Hervé Morin pic.twitter.com/ydWFFjhfSZ
— BFMTV (@BFMTV) 4 juillet 2018
Du côté des Républicains, c’est le mode de financement du SNU qui inquiète. S’alertant sur un dispositif « très cher » et qui nécessiterait « un déploiement humain important », Laurence Saillet, porte-parole LR, a aussi critiqué le président de la République dans les locaux de Sud Radio « Emmanuel Macron ne sait pas comment se dépêtrer d’une promesse de campagne qui (…) lui a permis assurément de gagner quelques points, et il se rend compte maintenant qu’on ne lance pas ça au hasard. »
Pour le moment, le gouvernement refuse toujours de chiffrer ce projet. En mai 2017, un rapport sénatorial avait estimé un coût « très élevé : jusqu’à 30 milliards d’euros sur 5 ans ».
La date à laquelle le Service National Universel pourrait devenir obligatoire n’a pas encore été arrêtée. Emmanuel Macron et Gabriel Attal voudraient le voir effectif à l’horizon 2022/2024, selon un proche collaborateur du secrétaire d’Etat. En attendant, « le dispositif va monter en puissance pour atteindre à terme près de 800.000 jeunes engagés ».
ET AILLEURS, C’EST COMMENT ?
Pour des raisons évidentes de sécurité et de géostratégies, quelques pays ont eux-aussi repris le chemin du service national. Voisin de la puissante Russie, la Suède qui avait supprimé son service militaire en 2010 en raison de la fin de la Guerre Froide, a décidé de mettre à nouveau en place un service de neuf mois.
Bien que les deux territoires ne se touchent pas, moins de 300 km à vol d’oiseau sépare les côtes suédoises de Karlskrona ou encore de Simrishamn de l’enclave russe de Kaliningrad. Entre les deux pays se trouve la mer Baltique et les Suédois soupçonnent les sous-marins russes de roder trop près de leurs eaux territoriales. Dans ce contexte, l’armée du pays de Ingmar Bergman ne suffisait plus avec plus de 7000 postes manquants.
Contrairement à l’idée française, le service militaire suédois est sélectif. Au départ, 90.000 filles et garçons ont étés appelés à remplir un formulaire sur Internet afin de cerner leur état de santé et leur motivation militaire. Par la suite, 6000 ont été retenus pour passer une série de tests physiques et psychologiques. Finalement, 4000 ont intégré les casernes.
Au programme : maniement des armes, longues marches et discipline. Les chambres disposes de wifi et les jeunes appelés touchent une solde de l’équivalent de 400 euros et les trajets pour rentrer chez eux sont payés. D’ici 2020, la Suède espère 5000 conscrits par an.
Même histoire pour la Lituanie, qui après l’annexion de la Crimée par Moscou, ont rétabli en 2015 un service militaire que le pays avait abandonné en 2008. Chaque année, 3000 jeunes volontaires lituaniens de 19 à 26 ans passent neuf mois sous le drapeau tricolore.
En Europe, l’Autriche, la Suisse, la Norvège, la Finlande, la Grèce, la Chypre et l’Estonie sont les pays ou le service militaire est obligatoire. Seul le Danemark qui devant une demande suffisante de volontaires, a opté pour un service facultatif.
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