En 1970, le principe selon lequel « chacun a droit au respect de sa vie privée » est consacré à l’article 9 du Code civil. En 2020, une personnalité politique, Benjamin Griveaux, renonce à poursuivre sa campagne électorale suite à la diffusion de vidéos à caractère sexuel sur les réseaux sociaux à l’initiative d’un homme qui se prévaut de la liberté d’information. Le débat sur le rapport à la vie privée des personnalités publiques est rouvert.
Vie publique et vie privée en droit français
Au vu de l’arsenal juridique français, l’exposition de la sexualité d’une personne sans son contentement ne peut constituer une image susceptible d’être légitimement présentée au public. Aucun message politique, aucune cause, si noble soit elle, ne peut justifier de briser les frontières de cette intimité.
En droit français, la vie privée est assortie de nombreuses protections. Constitutionnelle, d’abord, puisque l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 implique le respect de la vie privée. Légale, ensuite, puisque l’article 9 du Code civil reconnaît à chacun le droit de sa vie privée. La loi Axelle Lemaire « Pour une république numérique » du 7 octobre 2016 vient combler un vide juridique en interdisant de diffuser des images qui présentent un caractère sexuel sans le consentement de la personne concernée.
L’affaire Griveaux
Dans le cas de l’affaire Griveaux, des vidéos adressées à une femme d’un homme se masturbant sont mises en ligne sur un site dédié ; ces vidéos sont attribuées au candidat à la mairie de Paris. Partagées au départ par une poignée de politiques dans des messages privés, elles ont ensuite été relayées sur les réseaux sociaux. Un artiste russe, Piotr Pavlenski, revendique la publication des vidéos, et se justifie en dénonçant « l’hypocrisie » du candidat, qui annonce son retrait de la compagne électorale. L’activiste russe est mis en examen, risque deux ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende. Le fait demeure inédit en France, et lourd de conséquences sur le débat public.
Cette affaire n’est pourtant pas un cas isolé : en 2019, on dénombre près de 3 000 plaintes pour « atteinte à la vie privée par diffusion d’image à caractère sexuel » et 192 condamnations prononcées en 2018. Cette pratique se nomme « porno divulgation » ou revenge porn.
Des conséquences politiques
Cette affaire, qui touche la classe politique et qui est montée comme un spectacle, témoigne d’un changement profond dans la vie politique française : transformation de l’espace public et accélération du temps. En effet, il ne s’est passé que quelques heures entre la diffusion de ces vidéos et le renoncement de Benjamin Griveaux. Cela montre la compression de la séparation de la vie publique et de la vie privée.
Le spectacle politique de cette affaire illustre une exigence forte en matière de transparence, et c’est cette recherche de transparence qui mène certains sociologues à parler de « sentiment de nouvelle tyrannie de la transparence de l’information ».
Ce n’est certes pas une très bonne nouvelle pour la démocratie représentative que les élus soient en permanence menacés de révélations sur leur vie intime et sur leur vie personnelle, qui n’ont rien de politique. Cependant, des enseignements sont à tirer de cette affaire, car s’il existe des mécanismes législatifs qui doivent empêcher cette atteinte à la vie privée, il se pose aussi ici une question de socialisation et d’usage des réseaux sociaux.
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